Quand le marteau commence à se faire entendre, la montre se plonge dans un profond silence. Isolée, résignée, engoncée dans le fond du sac, elle succombe dès les premiers cris de pitons hurlants à la rengaine de l'ascension. A chaque fois la même chose ... départ pour une voie d'artif' = retour à pas d'heure ! Toujours la même chose ? Oui, mais là quand même, on a fait péter le score. Terrée dans sa caverne de rabat, la montre s'est véritablement cette fois-ci endormie. Nous, non. Si bien qu'on a fini par oublier. On a donc commencé par mettre plus de 4 heures à préparer le matos. 1,2,3,4 ... 35, 36, 37 pitons. 5 crochets. 5 plombs. Des cales de bois. Une vingtaine de coinceurs. 2 jeux de friends. 18 litres d'eau. 2 portaledges. 3 duvets. 2 doudounes. 6 mains, 6 pieds. 3 gusses.
Flo attaque la première longueur au petit matin du samedi. C'est parti. La montre est pour le moment en répis, posée en vrac au pied de la voie. Déjà beaucoup de travail dans cette première fissure. "Relais". Sacs bouclés, la montre au fond. C'est parti ... pour combien de temps ? Sans montre, y'a plus qu'à se fier aux impressions pour rendre compte de cette virée en paroi. On grimpe au mieux. On mange quand on a faim. On s'arrête quand on a sommeil. "Carpe diem" comme dit l'autre. Il fait nuit depuis longtemps. Ça doit être 1 ou 2 heure du matin, on s'arrête au quatrième relais pour installer de quoi dormir. Encore du temps avant d'être au confort dans le portaledge, le ventre rempli de pâtes chinoises. Pas de montre, mais une bière chacun. Chouette, ce moment là. Ça faisait un moment qu'on voulait répéter cette voie appelée "Les enfants du Paradis". Peu d'infos mais un ouvreur, Dominique BRAU-MOURET, dont on se méfiait. Surtout Romain, qui a déjà répété plusieurs de ses voies les plus biscornues. "Ne pas se fier aux cotations annoncées en V/A2". Bien. Et alors ? "Alors la question qui se pose est la suivante : est-ce qu'on prévoit 2 ou 3 jours d'ascension ?". On en a finalement prévu deux ...
Courte nuit, mais belle. Et le réveil, ce réveil ... On oubliera cependant assez vite le chant des oiseaux qui, d'en bas, s'extasient de voir la lumière réapparaître. Relancer la machine pour une journée qui s'annonce longue. Même si l'on ne se doute pas un instant de la durée qu'elle aura effectivement prise ! Un café, un thé, un peu de pain et de fromage, et se rééquiper. Trier le matériel de la veille. Remettre les cordes en ordre de bataille. Un nœud. Deux nœud. Feux. On est dimanche matin, Rémi rattaque dans la 5ème longueur. Flo et Romain démonteront le portaledge quand il aura fini, car cette longueur s'annonce longue. Ils assurent et alternent leur temps de sieste. Mais les autres le seront tout autant ! Piton après piton, la journée se passe.
Quelque part au fond du sac de hissage, la montre continue de tourner. Sans nous prévenir, comme si elle boudait. La nuit tombe quand nous sommes à R7 (septième relais). Que faire ? Dormir là ou tenter de sortir dans la soirée ? Le topo semble indiquer que les 2 longueurs qu'il nous reste à découvrir demandent moins de travail. On pourrait même y grimper "en libre", sans les étriers. Romain décide de s'y jetter. Aouf ... le C-H-A-N-T-I-E-R ! Il va se battre plusieurs heures à la frontale. On somnole au relais. La nuit est calme. Tout juste quelques bruits de pitons qui finissent tant bien que mal à nous paraître de plus en plus éloignés. Il avance ! C'est drôle, mais ça a été un moment hors-norme. Rien de magique pourtant, juste un décalage surpuissant avec le train quotidien : à 3 ou 5 heures du matin, on est là, dans une paroi catalane, à grimper. Et pourquoi pas, au fond ? Et puis il fait bon. "Relais" ! Faut se réveiller ... démontage, dépitonnage, hissage des sacs : on rejoint Romain à R8. Plus qu'une longueur ! Et le jour se lève. Progressivement, un peu comme nous durant cette ascension. On est lundi matin. Une dernière longueur hésitante puis une dernière session bien sportive de hissage des sacs et nous voilà sortis sur la crête, au soleil. Yes ! On fait le bilan, on vide les sacs, on mange un coup. Tiens, une montre ? Il est 9h00, lundi matin.
Une descente dans le bartas nous amènera à la voiture vers 11h. Le soleil frappe fort. Le manque de sommeil aussi, par moment. Et comme souvent dans ces situations, on devient un peu poète. Alors osons :
"Montrebei, de nuit comme de jour, ça vaut le détour.
C'est beau, c'est bien, comme la bonne mie d'un bon pain".
Fin.
C'est beau, c'est bien, comme la bonne mie d'un bon pain".
Fin.
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Quelques photos supplémentaires :
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